L’inflation se repose

Perspectives 2025-2026 pour l’économie mondiale

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
Europe
USA
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliation
Sabine Le Bayon
Publié le

15 octobre 2025

Modifié le

16 octobre 2025

Alors que les tensions inflationnistes se sont apaisées depuis fin 2022- début 2023 et que la convergence de l’inflation vers la cible des banques centrales des principaux pays industrialisés de 2% paraissait acquise au troisième trimestre 2024 (à l’exception du Japon), l’inflation a réaugmenté ces derniers mois aux Etats-Unis et surtout au Royaume-Uni. Seule la la zone euro dans son ensemble a rejoint cette cible1. Il reste surtout que la crise énergétique se solde par des niveaux de prix bien plus élevés qu’avant le covid dans de nombreux pays, directement pour les prix de l’énergie malgré leur baisse récente et indirectement via la diffusion de la hausse des coûts énergétiques sur l’ensemble des secteurs. Les prix alimentaires sont ainsi nettement plus élevés dans plusieurs pays et leur évolution ne témoigne pas d’une baisse prochaine.

1 L’inflation en France et en Italie était inférieure à 2% en août 2025, elle était légèrement supérieure à 2% en Allemagne, proche de 3% en Espagne. Mais elle est largement supérieure à 2% dans la plupart des pays de l’est de la zone euro (Estonie, Croatie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie) ainsi qu’en Grèce et en Autriche.

1 De 20 à 30% de prix cumulés dans les pays développés

Cinq ans après le covid et trois ans après le début de la crise énergétique, l’évolution des indices de prix à la consommation (ipc) dans les grands pays développés apparait très hétérogène. En prenant comme point de comparaison la moyenne de l’année 2019, les prix étaient supérieurs en août 2025 de 20 à 30% à leur niveau pré-covid, à l’exception du Japon (graphique 1). Quels que soient les pays et malgré le reflux récent des prix de l’énergie, ces derniers ont continué de contribuer positivement à la croissance des prix (entre 1 point au Japon et plus de 3 points de pourcentage aux Etats-Unis et en Italie). Ces écarts tiennent à la fois à des pondérations diverses de l’énergie dans l’ipc et à des stratégies différentes au moment de la crise énergétique, qui continuent d’avoir un impact 3 ans après. Ainsi, aux Etats-Unis où la hausse des prix de l’énergie a été moins forte globalement qu’en Europe, en raison de la régionalisation des marchés du gaz, l’absence de contrôle des prix s’est néanmoins fait ressentir sur la contribution énergétique. En Espagne, malgré un poids important de l’énergie, le plafonnement passé des prix de l’électricité, dans la cadre de l’exception ibérique mise en place en juin 2022, a eu un impact durable sur les prix énergétiques et donc sur leur contribution à l’évolution de l’ipc. Enfin, l’Allemagne et l’Italie qui ont privilégié un soutien direct aux consommateurs au moment de la crise énergétique par rapport à la stratégie visant à plafonner directement les prix énergétiques, comme au Royaume-Uni, au Japon et surtout en France, en ressentent encore les effets, avec une contribution de l’énergie qui demeure relativement plus élevée.

Graphique 1. Contribution cumulée à l’inflation de ses composantes depuis janvier 2019

Néanmoins, l’indice des prix sous-jacent (calculé en ne tenant pas compte des prix de l’énergie et de l’alimentation), qui représente entre 70 et 85% de l’indice total des prix selon les pays, a fortement progressé, la hausse des prix énergétiques et alimentaires s’étant diffusée également sur cet indice. Cette augmentation est très nette aux Etats-Unis et au Royaume-Uni (23 points) par rapport aux grands pays de la zone euro. Au sein de la zone euro, la hausse de l’indice sous-jacent est restée limitée en Italie, en France et en Espagne (de 11 à 13 points), alors qu’elle est un peu plus importante en Allemagne où elle se situe à 17%. Cet écart entre la zone euro et les Etats-Unis met en lumière des différences dans les causes de l’inflation, relativement plus tirée par des chocs d’offre dans la zone euro et plus tirée par la demande aux Etats-Unis. Dans le sillage de la forte hausse d’un certain nombre de prix de matières premières alimentaires, la contribution de l’alimentation demeure importante et est bien plus marquée en Europe et au Japon qu’aux Etats-Unis. L’impact est d’autant plus fort en Espagne et au Japon, en raison de la part plus importante de l’alimentaire dans l’ipc global (de près de 20%). De plus, la croissance des prix de l’alimentation reste dynamique dans la plupart des pays et limiterait la baisse de l’inflation dans les prochains trimestres. C’est particulièrement le cas en Espagne, au Royaume-Uni et au Japon.

2 Une modération globale des prix des biens industriels non-énergétiques

Comme on l’a vu ci-dessus les niveaux de prix sont très différents en août 2025 selon les pays, par rapport au niveau de 2019. Parmi les grands pays, c’est au Japon et en France que les prix ont le moins augmenté, et au Royaume-Uni et aux Etats-Unis qu’ils ont le plus progressé, avec non seulement un impact sur le pouvoir d’achat des ménages, mais aussi potentiellement sur la compétitivité des entreprises. L’analyse de l’évolution des prix des biens industriels non énergétiques, versus celle des prix des services est, à cet égard, intéressante (graphique 2). Aux Etats-Unis, après la forte dynamique des prix des biens industriels non énergétiques observée en 2022 et 2023, en raison des difficultés d’approvisionnement et indirectement des prix de l’énergie, ces derniers s’étaient retournés à partir du début de l’année 2024weig. Ils repartent légèrement à la hausse sur les derniers mois en lien avec les premières décisions sur les hausses de droits de douane, mouvement qui commence seulement à se voir sur le graphique 2 qui représente la moyenne mobile sur les douze derniers mois. En France, en Italie et en Espagne, les prix des biens non énergétiques se stabilisent à environ 10% de plus qu’en 2019 en moyenne. En revanche, ils continuent d’augmenter en Allemagne, après une progression nettement plus élevée que celle de ses grands partenaires commerciaux européens. Au final, les écarts de niveaux de prix sur ces biens apparaissent cohérents avec le diagnostic porté sur les difficultés récentes de l’industrie allemande, qui a particulièrement souffert de la crise énergétique (voir fiche Allemagne). Ils peuvent aussi s’expliquer par le fait que l’industrie allemande a pu être, davantage que celle des autres pays, relativement plus pénalisée par la hausse des prix de l’énergie. Au Royaume-Uni, le constat sur les prix des biens industriels non énergétiques est similaire à celui de l’Allemagne, mais le poids de l’industrie y est moindre, avec un impact moins important sur la situation économique du pays.

Graphique 2. Niveau des prix à la consommation des biens non énergétiques et des services

Du point de vue des services, les prix continuent de progresser de part et d’autre de l’Atlantique, même si la hausse est plus forte aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Certes une partie est liée à la vigueur de la demande interne aux Etats-Unis (notamment la composante des loyers) mais ne concerne pas tous les services, notamment financiers et dans les domaines de l’hébergement et de la restauration liés au tourisme. Dans la zone euro où les prix des services ont crû moins vite, l’Allemagne fait néanmoins à nouveau la course en tête, vraisemblablement en lien avec la pénurie de main d’œuvre qui affecte plusieurs secteurs.