Royaume-Uni: garder le cap malgré les turbulences

Perspectives 2025-2026, analyses pays

conjoncture
Royaume-Uni
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliation
Catherine Mathieu
Publié le

15 octobre 2025

Modifié le

16 octobre 2025

Graphique 1. Royaume-Uni, principaux indicateurs économiques

1 Limiter l’impact des tensions commerciales

Le PIB britannique a augmenté de 0,3 % au deuxième trimestre 2025, après une hausse de 0,7 % au premier trimestre et 0,2 % aux troisième et quatrième trimestres 2024, soit une croissance de 1,4 % sur un an, selon les comptes nationaux publiés le 30 septembre. Au deuxième trimestre 2025, le PIB britannique était supérieur de 5,5 % à son niveau d’avant crise COVID (en 2019), soit une hausse un peu supérieure à celle du PIB français (4,9 %), loin devant l’Allemagne (0%), mais derrière la moyenne de de la zone euro (6,1 %), et plus encore des Etats-Unis (14,7 %) (graphique 1).

L’augmentation de la croissance au premier trimestre 2025, résulte en grande partie d’effets temporaires, en particulier de la hausse de la production de biens et services sensibles aux droits de douane américains (biens industriels) et des exportations. Par ailleurs, la production et les ventes d’automobiles ont augmenté avant la hausse de la fiscalité sur l’achat de véhicules au 1er avril 2025. Les exportations de marchandises ont fortement augmenté, du fait de la hausse des exportations vers les Etats-Unis, par anticipation des droits de douane annoncés par Donald Trump : 25 % sur l’acier à partir de mars, 25 % sur l’automobile à partir d’avril, l’incertitude étant totale quant aux droits de douane susceptibles de frapper les autres marchandises lors du « jour de la libération », le 2 avril. Les exportations britanniques de marchandises vers les Etats-Unis (16 % du total des exportations en 2024), ont augmenté de 23 % en valeur au premier trimestre 2025, contribuant pour moitié à la hausse de 7 % des exportations totales. Au deuxième trimestre, les exportations de marchandises vers les Etats-Unis ont reculé de 25 %, tandis que le total des exportations baissait de 3,7 %.

Le 2 avril, Donald Trump annonçait des droits de douane de 10 % sur la plupart des marchandises britanniques, mais cela ne concernait ni l’acier, ni l’automobile. L’accord négocié par Keir Starmer avec Donald Trump le 8 mai a permis de réduire la hausse des droits de douane à 10 % sur les biens automobiles (dans la limite d’un quota de 100 000 véhicules, correspondant aux ventes effectives) et à 0 % sur les biens aéronautiques. Le gouvernement de Keir Starmer est ainsi parvenu à limiter la hausse des droits de douane pour des fleurons historiques de l’industrie britannique, dont certains sont en difficulté, en particulier dans l’automobile. Précisons que les exportations de marchandises britanniques vers les Etats-Unis étaient de 59 milliards de livres en 2024, mais que le Royaume-Uni ne dégageait qu’un faible excédent bilatéral sur ces échanges, de 2 milliards de livres, dont près de 10 milliards pour les machines et équipements de transport. Le Royaume-Uni était par contre largement excédentaire vis–à-vis des Etats-Unis sur les échanges de services : 76 milliards de livres, pour 132 milliards d’exportations en 2024. A l’automne 2025, les incertitudes demeurent élevées quant à des hausses des droits de douane sur de nouveaux produits (dont les produits pharmaceutiques), ce qui contribue à freiner la croissance du commerce mondial. De plus, les exportations britanniques restent pénalisées par une compétitivité-prix dégradée, et devraient continuer à perdre des parts de marché, particulièrement pour les produits industriels.

2 L’inflation connaît un rebond

L’inflation (mesurée selon l’indice des prix à la consommation harmonisé, IPCH), qui n’était plus que de 1,7 % sur un an en septembre 2024, après avoir atteint un pic à 11 % sur un an en octobre 2022, a de nouveau augmenté pour atteindre 3,8 % sur un an en août 2025. Entre septembre 2024 et août 2025, la hausse des prix alimentaires est passée de 2,7% sur un an à 5,3%, contribuant pour 0,4 point à l’augmentation de l’IPCH. Dans le même temps, le glissement des prix de l’énergie passait de -16 % sur un an à +2,5 %, contribuant à hauteur de 1,4 point à la hausse de l’PCH. Enfin, l’inflation sous-jacente passait de +3,2 % à +3,6 %, contribuant à hauteur de 0,3 point à la hausse de l’IPCH (graphique 2). Au cours des derniers mois, ce sont surtout les prix des services administrés qui ont augmenté (eau, éducation, loyers).

Graphique 2. IPCH et contribution des principales composantes

Cette accélération des prix est scrutée par le Comité de politique monétaire (CPM) de la Banque d’Angleterre. Pour certains de ses membres, le risque d’un ralentissement de l’activité, déjà visible sur le marché du travail et le maintien d’un taux d’épargne des ménages élevé, doivent inciter à baisser dès à présent le taux directeur. Pour d’autres membres, il faut maintenir les taux d’intérêt inchangés tant que l’inflation ne revient pas près de la cible de 2 %. Lors de la réunion d’août dernier, 5 membres ont voté en faveur d’une baisse des taux (4 pour une baisse de 0,25 point, 1 pour une baisse de 0,5 point), 4 membres ont voté en faveur d’un statu quo. Le taux directeur a donc été abaissé de 0,25 point en août, à 4 %. Le CPM annonce qu’il gardera une approche prudente dans ses prochaines décisions de baisses de taux. 

Le CPM scrute également l’évolution des tensions sur le marché du travail. Pendant l’été, ces tensions ont continué de s’alléger : le taux de chômage a atteint 4,7 % soit une hausse de 0,3 point sur un an ; les offres d’emplois non satisfaites, qui avaient atteint un pic à la sortie de la crise COVID sont redevenues inférieures à leur niveau de 2019. L’analyse du marché du travail britannique continue de reposer sur des données fragiles, avant tout en ce qui concerne l’emploi, du fait des difficultés rencontrées par l’ONS dans la collecte de l’enquête sur les forces de travail, depuis la sortie de la crise COVID. L’ONS a engagé un long processus de refonte de cette enquête qui, de la mi-2024 à la mi-2025, a indiqué une hausse de l’emploi, contrairement aux sources administratives et aux enquêtes auprès des entreprises, ce qui fragilise le diagnostic sur la productivité du travail. Cependant, sur la base de l’enquête sur les forces de travail, la productivité horaire avait une tendance de long terme de 0,89 % par an avant la crise COVID, et le cycle de productivité horaire était au deuxième trimestre 2025 de -1,4 %. Il serait refermé l’horizon de la fin 2026, sous notre hypothèse d’accélération de la productivité horaire à 1 % en rythme annualisé à l’horizon de la fin 2026. Le taux de chômage approcherait 5,8 % à la fin 2026.

Les salaires nominaux avaient augmenté au second semestre 2024 sous l’effet des revalorisations des rémunérations dans le secteur public (en particulier dans le secteur de la santé) et atteint une hausse de 6,1% sur un an au quatrième trimestre. Ils n’affichaient plus qu’une hausse de 4,7 % sur un an au début de l’été. Le salaire minimum a été revalorisé de +6,7 % pour le taux horaire adulte (soit 12,21 livres) en avril. Le salaire minimum, qui a désormais atteint l’objectif fixé par le gouvernement, de 66 % du salaire médian, ne progresserait l’an prochain qu’au même rythme que ce dernier. Les entreprises interrogées dans les enquêtes réalisées par la Banque d’Angleterre prévoyaient en septembre une hausse des salaires de 3,7 % sur un an, à l’horizon des douze prochains mois.

Dans notre scénario, l’évolution des salaires contribuera à ramener l’inflation vers 2,4 % à la fin 2026, ce qui, avec une croissance du PIB de 1,1 %, conduirait à deux baisses de taux de 0,25 point en 2026, ramenant le taux directeur à 3,5 %. La baisse des taux d’intérêt allégerait le coût des emprunts et faciliterait une hausse de l’investissement en logement des ménages, ainsi que l’investissement des entreprises à l’horizon de la fin 2026.  

3 La politique budgétaire freine la croissance

La politique budgétaire sera restrictive à l’horizon de la fin 2026, sur la base des éléments budgétaires présentés par le gouvernement dans le Spring Statement, en mars dernier. Le gouvernement avait acté des revalorisations des salaires publics à son arrivée à l’été 2024 et décidé d’augmenter l’investissement public à très court terme (principalement dans les secteurs de la santé et de l’éducation). Il avait d’autre part limité les dépenses de prestations sociales (restriction de l’allocation chauffage pour les retraités aux retraités les plus pauvres, soit une économie de 1,5 milliard de livres par an, 0,05 point de PIB). Au total, les dépenses publiques passeraient de 44,4 % du PIB en 2024-25 à 45 % en 2025-26 avant de baisser à 44,8 % en 2026-27. Mais les recettes passeraient de 39,7 % du PIB en 2024-25 à 41,1 % en 2025-26 et 41,7 % en 2026-27. A partir d’avril 2025, le taux de cotisations sociales employeurs a en effet été augmenté de 1,2 point, soit un supplément de recettes attendu de près de 0,8 point de PIB en année pleine. Les recettes des impôts sur le revenu et le patrimoine augmenteraient aussi d’environ 0,3 point de PIB par an (notamment du fait de la non-indexation des tranches du barême de l’impôt sur le revenu). L’impulsion budgétaire serait négative d’environ 0,6 point cette année et de 0,5 point l’an prochain. Sous nos hypothèses de croissance, le déficit public serait ramené de 5,9 % du PIB en 2024 à 5,1 % du PIB en 2026. Le ratio de dette publique augmenterait de 100 % du PIB à la fin 2024 à 103 % du PIB fin 2026.

En 2024, le revenu disponible des ménages a augmenté de 3,9 % en termes réels, grâce à la hausse des rémunérations. Mais les ménages ont augmenté dans le même temps leur taux d’épargne de 3,5 points. Au premier semestre 2025, le taux d’épargne était de 10,6 %, 2,4 points au-dessus de sa moyenne des dix années précédant le début de la crise COVID. Les ménages sont restés particulièrement prudents, restreignant leur consommation sans doute compte tenu des multiples incertitudes géopolitiques, de l’accélération de l’inflation et de la remontée du taux de chômage. En ce début d’automne, une incertitude supplémentaire contribue probablement aussi à freiner la consommation des ménages et l’investissement : celle du prochain budget, qui sera présenté au Parlement le 26 novembre et pourrait mettre davantage les ménages à contribution pour réduire le déficit public. Cette incertitude sera rapidement levée. Dans notre scénario, où nous retenons les mesures budgétaires connues, les ménages n’abaisseraient que légèrement leur taux d’épargne à l’horizon de la fin 2026 (où il serait de 10,1 %). La consommation des ménages augmenterait de 0,9 % cette année et de 1,1 % l’an prochain.

La croissance du PIB britannique serait de 1,5 % cette année et de 1,1 % l’an prochain. Elle resterait freinée par une contribution négative du commerce extérieur. Les tensions commerciales et les incertitudes géopolitiques sont, comme lors de notre précédente prévision, un aléa majeur à la baisse de notre prévision ; une réduction de la surépargne des ménages, accumulée depuis le début de la crise COVID, constituant un aléa à la hausse. Le prochain budget pourrait s’avérer plus restrictif que prévu si, comme cela est probable, l’OBR révise à la baisse ses perspectives de croissance pour l’économie britannique. Cela réduirait les marges de manœuvre que s’est fixées Rachel Reeves, la chancelière de l’Echiquier, pour respecter ses règles budgétaires, et la conduirait à chercher des recettes supplémentaires. Rachel Reeves évitera sans doute d’alourdir la fiscalité des entreprises, déjà mises à contribution avec la hausse du taux de cotisations sociales d’avril dernier, et devrait alors se tourner vers les ménages. Mais, sauf à remettre en cause le programme des travaillistes de 2024, ce qui pourrait finalement se révéler inévitable, elle ne pourra pas augmenter la fiscalité sur les personnes qui travaillent, et devrait faire porter l’effort sur les retraités, ce qui serait très impopulaire. Le budget 2026 s’annonce comme un exercice particulièrement périlleux.

Tableau 1. Prévisions 2025-2026 pour le Royaume-Uni
en %
2025
2026
de 2025t1
à 2026t4
2024
2025
2026
T1 T2 T3 T4 T1 T2
PIBa  0,7  0,3  0,2  0,2  0,3  0,3
0 0.66 0 0,7% 0,3% 0,2% 0,2% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3%
  1,1   1,5   1,1
PIB par habitanta  0,5  0,2  0,1  0,1  0,1  0,1
0 0.55 0 0,5% 0,2% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,2%
  0,1   1,0   0,5
Consommation ménagesa  0,3  0,1  0,2  0,3  0,3  0,3
0 0.30 0 0,3% 0,1% 0,2% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3% 0,3%
 −0,2   0,9   1,1
Consommation publiquea −0,2  1,3  1,0  0,4  0,4  0,4
0 1.30 −0.25 -0,2% 1,3% 1% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4%
  3,4   2,3   2,1
FBCF totalea,b  1,9  0,5  0,7  0,2  0,7  0,7
0 1.95 0 1,9% 0,5% 0,7% 0,2% 0,7% 0,7% 0,7% 0,9%
  1,8   3,0   2,4
 dont : productive privéea  4,1 −1,1  0,0  0,5  0,6  0,6
0 4.11 −1.08 4,1% -1,1% 0% 0,5% 0,6% 0,6% 0,7% 0,8%
  2,3   3,3   1,7
            logementa  0,0  3,1  0,2  0,8  1,0  1,0
0 3.09 0 0% 3,1% 0,2% 0,8% 1% 1% 1% 1,2%
 −1,6   1,7   4,1
            APUa,b −2,8  4,1  3,3 −1,2  0,5  0,5
0 4.08 −2.81 -2,8% 4,1% 3,3% -1,2% 0,5% 0,5% 0,5% 0,6%
  4,1   2,9   3,0
Exportationsa,c  1,7 −0,2  0,0  0,1  0,1  0,1
0 1.72 −0.19 1,7% -0,2% 0% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1%
  0,7   3,2   0,3
Importationsa,c  1,2 −0,0  0,5  0,5  0,6  0,6
0 1.23 −0.021 1,2% 0% 0,5% 0,5% 0,6% 0,6% 0,6% 0,6%
  2,6   4,3   2,1
Demande intérieurea,d,e  0,5  0,4  0,5  0,3  0,4  0,4
0 0.48 0 0,5% 0,4% 0,5% 0,3% 0,4% 0,4% 0,4% 0,4%
  0,9   1,6   1,6
Variations de stocksa,e  0,1 −0,1 −0,1  0,1  0,1  0,1
0 0.057 −0.11 0,1% -0,1% -0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1% 0,1%
  0,9   0,3   0,1
Commerce extérieura,c,e  0,1 −0,1 −0,2 −0,1 −0,2 −0,2
0 0.13 −0.18 0,1% -0,1% -0,2% -0,1% -0,2% -0,2% -0,2% -0,2%
 −0,6  −0,4  −0,6
Inflationf  2,8  3,5  3,8  3,5  3,2  2,9
0 3.81 0 2,8% 3,5% 3,8% 3,5% 3,2% 2,9% 2,6% 2,4%
  2,5   3,4   2,8
Taux de chômageg  4,5  4,7  4,9  5,1  5,3  5,5
0 5.84 0 4,5% 4,7% 4,9% 5,1% 5,3% 5,5% 5,7% 5,8%
  4,3   4,8   5,6
Déficit publich   6,0   5,3   5,1
Dette publiqueh 101   101   103  
Impulsion budgétairei  −0,3  −0,6  −0,5
a En volume, aux prix chaînés. b FBCF : Formation Brute de Capital Fixe ; APU : Administrations Publiques. c Biens et services. d Demande intérieure hors variation de stocks. e Contribution à la croissance du PIB. f Evolution de l'indice des prix de consommation harmonisés (IPCH, sauf USA et France IPC). Pour les trimestres, glissement annuel (T/T(-4)) des prix. Pour les années, croissance moyenne annuelle des prix. g Au sens du BIT, en % de la population active. Pour les trimestres moyenne trimestrielle, pour les années, moyenne annuelle. h En % du PIB annuel, en fin d'année. i Variation annuelle du déficit public (APU) primaire structurel, en points de PIB.
Sources : ONS QNA, prévision OFCE octobre 2025.