En 2024, le Conseil de l’Union Européenne a ouvert une procédure de déficit excessif à l’encontre de la France. Selon les dernières données disponibles, le déficit public s’est établit à 5,8 % du PIB en 2024 (tableau 1). Ce fort déficit a été observé dans un contexte politique tendu. Toutefois, les chiffres décevants sur le front des finances publiques s’expliquent par un long processus de dégradation relative des finances publiques hexagonales.
En 2025, la politique budgétaire s’est engagée dans la voie de la consolidation budgétaire. A l’issue d’un processus politique complexe, la loi de finances initiale de 2025 a été promulguée au cours du mois de février 2025. Selon nos calculs, l’ajustement budgétaire structurel primaire pour 2025 devrait s’établir à 0,9 point de PIB. L’effacement des dispositifs du plan de relance post-crises Covid et inflationniste améliorent le solde public de 0,3 point de PIB. Par ailleurs, l’essentiel de la consolidation proviendra des hausses de prélèvements obligatoires (0,5 point de PIB). Parmi les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, les entreprises sont particulièrement concernées avec notamment la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises (8 milliards d’euros). Les ménages de leur côté voient leur fiscalité alourdie de 0,2 point de PIB avec la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Selon nos calculs, hors mesures de relance et charges d’intérêt, la dépense publique devrait évoluer comme le PIB potentiel. L’ajustement structurel sur la dépense primaire sera ainsi faible (0,1 point de PIB).
L’impulsion budgétaire de 2025 s’explique essentiellement par les hausses de fiscalité, ciblées sur les grands groupes et les hauts revenus. Ainsi, le multiplicateur associé à la politique budgétaire devrait être relativement faible (nous l’évaluons à moins de 0,5). En 2025, la politique budgétaire amputerait la croissance du PIB de 0,4 point.
Malgré une orientation clairement restrictive en 2025, la baisse du déficit sera atténuée par la dégradation de l’activité qui ampute le solde conjoncturel de 0,3 point de PIB et la hausse de la charge d’intérêts (0,2 point de PIB). Au total, le déficit public est attendu à 5,4 % de PIB pour l’année 2025.
Dans un contexte politique tendu il est difficile de réaliser une prévision de politique budgétaire. Sans prédire l’issue final du processus politique nous avons construit un scénario qui est calé sur le Rapport d’avancement annuel de 2025.
Le scénario retenu dans la prévision tient compte du respect du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) pour la période 2025-2029 présenté en octobre 2024. Le Rapport d’avancement annuel (RAA) du mois d’avril 2025 confirmait cette trajectoire. En absence de clarté pour la politique budgétaire à venir nous avons décidé de maintenir cette trajectoire comme un scénario de référence. Les tensions politiques récentes, en lien avec les difficultés à mettre en place un programme prévoyant des économies très fortes, nous a fait considérer un scénario alternatif qui tout en respectant le PSMT français en vigueur, allège la consolidation budgétaire.
Le RAA 2025 anticipe une évolution de la dépense publique nette de +0,7 % en 2026. Le document spécifie aussi, que compte tenu des efforts réalisés par le passé, une évolution de 1,2 % serait toujours compatibles pour 2026 avec la procédure de déficit excessif française. Ceci donne une marge de manœuvre de 0,2 point de PIB au futur gouvernement tout en respectant les règles européennes à court terme, s’il s’engage à atteindre un déficit inférieur à 3 % en 2029. Ainsi, si la constitution d’un nouveau gouvernement implique des concessions budgétaires, la France pourrait mettre en place un ajustement budgétaire primaire de l’ordre de 0,7 point de PIB tout en respectant le PSMT envoyé à la Commission Européenne et qui placerait la France sur une trajectoire qui pourrait de mettre fin à la procédure de déficit excessif en vigueur.
Il faut remarquer que ce scénario, moins strict que le contenu du Rapport d’avancement annuel et le Plan pluriannuel envoyé à la Commission Européenne en vue de la sortie de la procédure de déficit excessif, aura des conséquences sur la consolidation nécessaire à partir de 2027 pour respecter les cibles de désendettement des nouvelles règles de la gouvernance européenne.
Selon nos estimations, dans ce cas de figure le déficit public devrait atteindre 5,1 % du PIB en 2026. Si le scénario d’une moindre consolidation se précise et que la trajectoire ultérieure d’une consolidation plus forte au cours des années à venir est jugée crédible alors nous pouvons envisager un aléa haussier sur notre prévision pour 2026. Pour rappel, dans Heyer, Plane, Ragot, Sampognaro et Timbeau (2025) nous avons estimé l’effet d’une telle déviation par rapport à la trajectoire du PSMT. Toutefois, la crédibilité sur la mise en place future de la consolidation joue un rôle clé, dans un moment où la France peine à trouver de la stabilité gouvernementale.
Plus largement, un nouveau gouvernement pourrait décider de revoir plus sensiblement la trajectoire de finances publiques mais pour cela il doit envoyer un nouveau plan pluriannuel à ses partenaires de l’Union européenne, ce qui ouvrirait une nouvelle phase de négociation pour apprécier la conformité de la nouvelle trajectoire avec les exigences des règles de la gouvernance européenne notamment dans le cadre d’une procédure de déficit excessif.
Sous cette hypothèse, la consolidation budgétaire primaire serait de 0,9 point de PIB en 2026. Bien évidemment ce scénario a peu de probabilité de se réaliser au vu de la forte incertitude politique surplombant notre prévision. Au jour où la prévision a été finalisée, les principales orientations du PLF 2026 sont inconnues. Pour construire un scénario de politique budgétaire nous avons supposé, de façon conventionnelle que la moitié des nouvelles mesures budgétaires seront réalisées en dépenses et l’autre moitié en prélèvements. Le scénario d’une impossibilité de vote d’une Loi de Finances Initiale ou à défaut le vote d’une loi spéciale (encadré 2) ne sont pas retenus. Leur matérialisation pourrait - par delà de la prévision de politique budgétaire - modifier bien plus significativement le scénario macroéconomique français.
3 Il faut rappeler que certaines hausses de dépenses publiques sont déjà pré-engagées (par exemple, la contribution à l’Union Européenne).
Le scénario de finances publiques pour l’année 2026 dépendra notamment des évolutions politiques et de ses conséquences sur le processus budgétaire. Pour mémoire, dans notre scénario central, nous avons considéré que la France réussira à avoir en 2026 un budget qui respecte les annonces du PSMT, confirmées dans le RAA d’avril 2025. Nous pouvons penser un cas où le seul accord possible serait celui du vote d’une loi spéciale, comme fin 2024.
En effet, pour garantir la continuité de l’État, le bon fonctionnement des services publics, la possibilité de prélever les impôts et le recours à l’endettement pour l’État et les administrations publiques, une Loi spéciale « article 45 » peut être adoptée. Cet outil juridique n’autorise pas l’exécutif à modifier la politique économique mais ne dispense pas le gouvernement de présenter un nouveau budget en 2026 et de le faire adopter par le Parlement. De plus, un tel budget, au moins pour le volet recettes doit être réalisé rapidement s’il ne veut pas se heurter au principe de non rétroactivité de l’impôt. Si une Loi spéciale est exempte de tout choix politique, elle n’est pas sans incidence budgétaire. Le scénario ici présenté suppose implicitement que la Loi spéciale soit adoptée pour l’ensemble de l’année 2026 sans vote d’une nouvelle Loi de Finances. Or, il faut rappeler qu’une Loi spéciale ne dispense pas d’adopter une Loi de Finances.
La Loi spéciale empêche de prendre des mesures nouvelles aussi bien sur les prélèvements obligatoires (PO) que sur les dépenses publiques. Ainsi, les PO de 2026 seraient inchangés par rapport à 2025 (à l’exception des mesures fiscales déjà votées). Selon nos calculs, les PO diminueraient de 6,5 milliards (soit 0,2 point de PIB). L’essentiel de la baisse s’expliquerait par fin des contributions exceptionnelles sur les grandes entreprises et les hauts revenus (-10 milliards d’euros). Pour le reste la baisse des PO serait atténuée par le gel du barème de l’impôt sur le revenu et les mesures administratives déjà annoncées en termes de lutte contre la fraude fiscale.
Mais l’essentiel des effets budgétaires passe par la dépense, le principe général étant que les dépenses de l’État soient gelées en valeur, tandis que les autres dépenses, celles des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales, ne peuvent pas être pilotées à travers une Loi spéciale. Sans mesures correctrices, ces dépenses évolueraient selon leur trajectoire spontanée. Il faut ajouter que certaines dépenses de l’État sont déjà pré-engagées (charge d’intérêts, contribution au budget de l’UE) et s’établissent à la hausse en 2026 (+0,5 point de PIB sur ces deux postes). Selon nos calculs, l’effort en dépenses publiques induit par le passage par une Loi Spéciale s’établit à 3 milliards d’euros (soit 0,1 point de PIB). Si l’essentiel de l’effort vient de la dépense de l’État (hors dépenses pré-engagées), en 2026 la Sécurité Sociale et les administrations locales verraient cependant leurs dépenses diminuer en points de PIB potentiel.
Au total, en 2026, selon nos calculs, la loi spéciale ne permettrait pas de réduire le déficit structurel (contre -0,7 point de PIB dans le cadre du RAA). Ce chiffre s’explique par des spécificités de l’année 2026: extinction de mesures fiscales passées et montée de la contribution à l’UE. Cet effort primaire serait insuffisant à compenser la hausse de la charge d’intérêts et au final, le solde structurel français connaîtrait une dégradation de 0,1 point de PIB en 2026 dans ce scénario. Dans ce cas de figure il serait donc très difficile à diminuer le déficit public en 2026 qui pourrait s’établir à 5,5 % du PIB. Ce dernier résultat doit être pris avec prudence car même dans un scénario décrit ci-dessus, les futures autorités publiques auront pleine liberté pour corriger la trajectoire de dépenses publiques en cours d’année. Surtout si les tensions politiques empêchent tout accord minimaliste sur les évolutions budgétaires, il faut tenir compte des réactions d’autres variables clés: les taux d’intérêt et l’effet sur les anticipations des agents privés qui peuvent modifier leurs plans dans le sens d’une plus grande prudence (réduction investissement, hausse de l’épargne).
La politique budgétaire pèserait sur la croissance du PIB à hauteur de -0,8 point en 2026. En effet, le multiplicateur d’ensemble serait proche de l’unité, notamment parce que certaines dépenses qui vont augmenter significativement ont un effet multiplicateur sur le PIB très faibles (la hausse de la charge d’intérêts et la contribution à l’UE en sont des exemples) alors que les économies structurelles en dépense auraient un multiplicateur relativement élevé (économies sur les prestations, politiques de l’emploi, collectivités locales…).
En effet, l’effet de la restriction budgétaire primaire de 0,9 point de PIB serait contrebalancé par la hausse de la charge d’intérêts (0,2 point de PIB), le creusement du déficit conjoncturel (0,2 point de PIB) et l’extinction du financement européen issue de Next Generation EU (0,1 point). Dans ce cas de figure le déficit public diminuerait pour atteindre 5,0 % de PIB pour l’année 2026 (après 5,4 % attendu en 2025). Cependant celui-ci pourrait atteindre 5,1 % du PIB dans le cas d’une consolidation budgétaire plus modérée mais respectant les règles européenne (encadré 1) et 5,5 % dans le cas plus théorique d’une loi spéciale (encadré 2).
En dépit d’un scénario avec une forte consolidation budgétaire sur 2025 et 2026, le déficit public restera relativement élevé au cours de la période et supérieur au solde stabilisant la dette publique en points de PIB. Ainsi, la dette publique au sens de Maastricht devrait augmenter jusqu’à près de 118 % du PIB en 2026 (après 115 % en 2025 et 113 % en 2024).