1 Investissement en services, désinvestissement en construction
Avec un taux de croissance proche de zéro au premier trimestre (+0,1%) et légèrement négatif au deuxième (-0,2%), la formation brute de capital fixe (FBCF) des entreprises non-financières (ENF) résiste. Dans la continuité des trimestres précédents, ce sont essentiellement les services marchands qui contribuent positivement à la croissance de la FBCF, en particulier les services en information-communication et les services aux entreprises, dont les taux de croissance avoisinent 0,7% en moyenne sur les deux premiers trimestres. La FBCF en produits de la construction continue de baisser, pour le huitième trimestre consécutif (-1,6% au premier trimestre et -0,5% au deuxième), tandis que celle en produits manufacturés reste stable, avec un taux de croissance autour de zéro depuis trois trimestres. On remarque cependant qu’au sein de l’investissement en produits manufacturés, la contribution positive des matériels de transport, qui neutralisait les contributions négatives des biens d’équipement et des autres produits industriels fin 2024 et début 2025, replonge au deuxième trimestre avec un taux de croissance à -1,9%. Le taux d’investissement des ENF reste donc stable à 16,6% de la valeur ajoutée marchande, toujours bien au-dessus de sa moyenne sur 10 ou 20 ans à 15,4% et 15,1% respectivement (graphique 1).
2 Vers une réduction du taux d’investissement
Nous prévoyons une réduction de la FBCF des ENF de 1,4% en 2025 et 1,7% en 2026, soit un rythme un peu moins rapide que celui observé en 2024 (-2,4%), et un taux d’investissement qui s’établirait à 16% de la valeur ajoutée fin 2026 (graphique 1). Ce scénario est marqué par des perspectives de demande qui stagnent (voir Tableau Compte Emploi-Ressources pour l’économie française), et insuffisantes pour compenser l’écart qui s’est créé entre le taux d’investissement et le coût du capital depuis fin 2022. D’autres facteurs viennent renforcer cette prévision. Les sondages d’opinion et les carnets de commande dans l’industrie et la construction soutiennent une hausse modérée voir un repli de la demande en fin d’année. Le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie, bien qu’il masque une certaine hétérogénéité quant à la capacité des entreprises à répondre à la demande qui leur est adressée, reste inférieur à son niveau moyen1. La rémunération du capital, au sens du taux de marge, continue de diminuer (graphique 2). Enfin, l’incertitude liée à la politique nationale a de nouveau augmenté au mois de septembre, atteignant un niveau comparable à celui observé en juillet 2024 au moment de la dissolution de l’Assemblée (voir Incertitude politique). Au regard de l’instabilité politique actuelle, ce niveau d’incertitude devrait se maintenir au-delà du mois de septembre, ce qui conduirait les entreprises à être particulièrement prudentes dans leurs orientations d’investissement au cours des prochains trimestres.
1 Voir l’INSEE et la Banque de France.
Le taux de marge brut des sociétés non financières (SNF) continue de diminuer pour le troisième trimestre consécutif et atteint 30,7% de la valeur ajoutée au deuxième trimestre, soit près de 2,5 points de valeur ajoutée de moins qu’au moment du dernier pic de FBCF au troisième trimestre 2023. Il repasse ainsi en-dessous de la moyenne de 2019, malgré la baisse de la fiscalité sur la production et la baisse du salaire réel (graphique 2). La baisse du taux de marge aux deux premiers trimestres concerne en particulier la branche de l’énergie, qui atteint 68,4% de la valeur ajoutée au deuxième trimestre, en raison d’une baisse de la demande et d’un effet prix relatif défavorable. Le taux de marge du secteur des services marchands baisse aussi, pour le troisième trimestre consécutif, ce qui s’explique notamment par l’augmentation de la fiscalité sur la production et l’augmentation du salaire réel. Ces baisses de marge sont en partie compensées par l’augmentation du taux de marge dans l’industrie manufacturière, qui atteint 37,7% de la valeur ajoutée au deuxième trimestre, tirée par la productivité du travail et par un effet prix relatif favorable.
Le coût de financement à long terme des entreprises continue de baisser mais le rythme ralentit (graphique 3). Le taux sur les nouveaux crédits longs (plus d’un an) a diminué de plus de 20 points de base depuis fin 2024, ce qui indique que les banques continuent de répercuter la baisse de leur coût de financement sur les entreprises. En revanche, le rendement des obligations d’entreprise à maturités longues (plus d’un an) est resté au même niveau que celui observé fin 2024. La réduction du taux directeur de la BCE, qui affecte surtout le segment court de la courbe des taux, ne semble pas se répercuter sur le rendement des titres de dette nouvellement émis par les SNF. L’augmentation du taux sur l’emprunt phare à 10 ans, plus de 75 points de base depuis décembre 2023 (voir Graphique Taux souverains France, Allemagne, spread France-Allemagne), ne se répercute pas non plus. La trajectoire du rendement des nouveaux titres émis par les SNF semble plutôt calée sur celle de l’OAT à 5 ans, qui lui est globalement stable.