Jusqu’ici la croissance résiste

Perspectives 2025-2026 pour l’économie mondiale

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
Europe
USA
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliations
Christophe Blot
Céline Antonin
Elliot Aurissergues
Clémence Briodeau
Sandra Daudignon
Amel Falah
Ombeline Jullien de Pommerol
Sabine Le Bayon
Catherine Mathieu
Christine Rifflart
Benoit Williatte
Publié le

15 octobre 2025

Modifié le

16 octobre 2025

Depuis 2022, l’activité économique mondiale ralentit à la fois parce que les économies ont progressivement récupéré des pertes d’activité enregistrées pendant la crise sanitaire mais aussi parce qu’elles ont subi les effets de la hausse des prix de l’énergie. L’année 2025 est marquée par une nouvelle escalade tarifaire lancée par Donald Trump qui a provoqué une hausse de l’incertitude et freiner la demande intérieure. Ces décisions ont également provoqué une forte volatilité des flux de commerce au premier semestre. Par la suite, l’augmentation des droits de douane entraînera une hausse des prix et réduira la croissance aux États-Unis. Dans les autres pays, en l’absence de représailles, les effets de la guerre commerciale seraient plus modérés et dépendront de l’ampleur des sanctions in fine imposées. Le choc sera par ailleurs amorti par un assouplissement des politiques monétaires qui soutiendra l’activité. Du côté des finances publiques, à l’exception de l’Allemagne, qui dispose de marges de manœuvre et des États-Unis qui font fi de la dynamique de la dette, les impulsions seront le plus souvent négatives. Ainsi, malgré le désordre économique mondial, la croissance mondiale devrait résister, passant de 3,2% en 2024 à 3 % en 2025 puis 2,9 % en 2026.

1 La guerre commerciale est déclarée

Alors que la première guerre commerciale initiée par Donald Trump lors de son premier mandat avait principalement visé la Chine, ce nouvel épisode affecte l’ensemble des importations américaines avec un droit de douane minimum de 10%1. Ainsi, depuis la fin du mois de janvier, les menaces se sont multipliées et les premières hausses de tarifs douaniers ont été effectives à partir de mars. Ces décisions ont provoqué de la volatilité sur les marchés financiers, notamment après les annonces du « Liberation day » prévoyant l’instauration de tarifs réciproques. L’annonce de ces mesures puis leur suspension a entraîné une forte augmentation de l’incertitude autour de la politique économique américaine mais aussi dans de nombreux autres pays industrialisés et émergents (graphique 1). Dans tous les pays, à l’exception de la Chine et de l’Italie, cette incertitude est plus importante que celle observée pendant la crise sanitaire. Pour le Canada et les États-Unis, elle a même atteint un niveau historiquement élevé.

1 Rappelons d’une part que durant son mandat, Joe Biden n’est pas revenu sur les droits de douane supplémentaires appliqués par son prédécesseur. Les mesures ont été maintenues et les subventions accordées par l’Inflation Reduction Act se traduisaient également par une distorsion de concurrence.

Graphique 1. Indicateurs d’incertitude de politique économique

Dans certains pays européens, surtout en France mais aussi en Allemagne et en Espagne, l’incertitude politique actuelle pourrait également créer un climat peu propice aux investissements et à la consommation2. Au premier semestre, ce sont surtout les échanges commerciaux qui ont été affectés par la perspective de droits de douane additionnels. Il en a résulté une hausse des importations américaines au premier trimestre par anticipation de cette augmentation, suivi d’un recul important. Cette volatilité des flux de commerce mondial s’est reflétée dans le PIB des États-Unis qui s’est contracté au premier trimestre (-0,2%) avant de rebondir le trimestre suivant (+0,9%) ((graphique 2). Corrélativement, la croissance des exportations a été plus importante dans de nombres pays partenaires des États-Unis au premier trimestre, puis baisser le trimestre suivant3.

2 Voir Sampognaro (2022).

3 Par exemple, le PIB du Canada a baissé de 0,4% au deuxième trimestre en raison d’une forte réduction des exportations.

4 Le taux de croissance de la zone euro hors Irlande s’est élevé à 0,3%.

Dans l’ensemble de la zone euro, la croissance est restée atone et la bonne performance du premier trimestre (+0,6%) s’explique par la croissance exceptionnelle de l’Irlande à 7,5%4. La consommation des ménages de la zone euro a été peu dynamique et les exportations ont nettement ralenti au deuxième trimestre, reculant notamment en Allemagne et en Italie. L’Allemagne est engluée dans une la stagnation depuis la COVID (graphique 2). Les espoirs de reprise de l’économie après deux trimestres de croissance positive ont été douchés par une baisse du PIB de 0,3% au deuxième trimestre 2025 (graphique 2). Si le PIB italien affiche un niveau supérieur de 5,8% par rapport à 2019, la dynamique de croissance semble s’essouffler depuis plusieurs trimestres et l’activité s’est également légèrement contractée au deuxième trimestre. Ainsi, parmi les plus grands pays de la zone, l’Espagne reste une des économies les plus dynamique de la zone euro, affichant de nouveau une croissance dynamique aux premier et deuxième trimestres (+0,6 % puis +0,8%). Comparativement aux États-Unis, le PIB de la zone euro peine donc toujours à décoller. Par rapport à 2019, il a augmenté de 6,1 %, mais de 4,6% si on exclut l’Irlande, contre une hausse de 14,7% outre-Atlantique. Cette situation n’est cependant pas propre aux seuls pays de la zone euro. En Europe, le Royaume-Uni ou la Suède sont dans une situation assez proche avec un PIB qui dépasse le niveau pré-Covid de 5,5 et 6% respectivement.

Dans les pays émergents, la croissance a globalement résisté au premier semestre en Chine, en Inde ou au Brésil. Certains pays ont aussi bénéficié d’une hausse de leurs exportations de semi-conducteurs avant l’instauration de droits de douane additionnels. Néanmoins, les exportations de la Chine vers les États-Unis ont fortement baissé entre janvier et juin 2025, atteignant un niveau plus faible que celui observé en mars 2020. Une partie de ce commerce a cependant pu transité par d’autres pays. Enfin, la croissance du Mexique a bien résisté puisque le PIB progressait de 1,2% en glissement annuel au deuxième trimestre (graphique 2). L’économie mexicaine est certes très dépendante des importations américaines, mais les biens couverts par l’AEUMC (Accords États-Unis, Mexique Canada) sont exclus des nouveaux droits.

Graphique 2. Dynamique du PIB dans les principales économies.

2 Vers une baisse de l’inflation

Après les fortes tensions liées à l’envolée des prix de l’énergie et de l’alimentation en 2022 (voir Inflation), l’inflation mesurée par les indices de prix à la consommation a nettement baissé dans l’ensemble des pays développés convergeant progressivement vers 2%, niveau ciblé par les banques centrales. Toutefois, début 2025, seule la zone euro avait retrouvé ce niveau.

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, l’inflation reste supérieure à cette cible et est même repartie à la hausse. Ainsi, après avoir baissé jusqu’à 2,6% en mars, l’inflation dépasse de nouveau 3% au Royaume-Uni en partie à cause de la hausse des prix alimentaires. Outre-Atlantique, l’inflation ré-augmente depuis mars 2025. En août, elle s’élevait à 2,9%. Ce rebond témoigne sans doute des premiers effets des hausses des droits de douane effectives depuis le printemps même si ces hausses ont pu être en partie absorbées par les distributeurs5. Il y a bien une accélération de l’indice de prix des biens mais cette tendance est antérieure à la guerre commerciale. Alors qu’en juin 2024, le prix des biens hors énergie baissait de 1,8 % en glissement annuel, ils se sont ensuite stabilisés en début d’année 2025 avant d’augmenter. Par ailleurs, même s’il est moins marqué, on observe un mouvement similaire dans la zone euro avec une désinflation dans les services mais une hausse de l’inflation pour les biens qui semble cependant fortement tirée par l’Allemagne.

5 Voir cette analyse récente de Hufbauer et Zhang du Petersen Institute for International Economics.

Quant au Japon, l’inflation reste élevée mais s’inscrit en baisse depuis janvier atteignant 2,7% en août contre 4% en janvier. Comme au Royaume-Uni, cette évolution est tirée par une contribution importante des prix alimentaires. Dans les principaux pays émergents, l’inflation baisse en Chine, en Inde, au Mexique et aussi en Turquie mais elle ré-augmente légèrement au Brésil.

Sous l’hypothèse d’une relative stabilité des prix de l’énergie6, l’inflation dépendra des tarifs appliqués par les différents pays. A ce stade, en l’absence de représailles importantes de la part des pays industrialisés, l’impact sera surtout élevé pour les États-Unis (graphique 3), où la hausse des tarifs douaniers se répercutera sur les prix à la consommation à la fois par un effet direct sur les importations de biens de consommation mais aussi par un effet indirect lié au renchérissement du prix des consommations intermédiaires qui seront répercutés sur les prix de production domestiques et donc sur l’indice des prix à la consommation7. C’est donc aux États-Unis que la menace d’une inflation durablement plus élevée que la cible de la banque centrale est la plus forte. Sous l’hypothèse d’une hausse des droits de près de 17 points, nous anticipons une inflation à plus 3% en début d’année 2026 et qui se maintiendrait à ce rythme en moyenne annuelle.

6 Nous supposons que le prix du pétrole atteindrait 65 dollars le baril au dernier trimestre 2025 puis se stabiliserait à ce niveau.

7 Effets qui pourraient en outre être amplifiés par la baisse de la valeur du dollar.

Dans la zone euro, après un léger rebond temporaire jusqu’au premier trimestre 2026, du fait d’une moindre contribution négative des prix de l’énergie, l’inflation reviendrait vers 2%. Ce niveau reflèterait toutefois des évolutions contrastées à l’intérieur de la zone euro. Alors que l’inflation baisserait en 2026 en Allemagne et en Espagne, elle augmenterait en France en Italie. L’inversion des dynamiques d’inflation ne permettrait cependant pas une convergence des niveaux de prix entre les principaux de la zone euro. Fin 2026, le niveau de prix en Allemagne restera relativement plus élevé que celui de la France si l’on prend l’année 2019 pour point de départ (graphique 3). La hausse totale atteindrait en effet 28,7% outre-Rhin contre 18,3% pour la France. L’écart s’amplifierait entre la zone euro et le Royaume-Uni où l’inflation resterait plus élevée que dans la zone euro jusqu’en fin d’année 2026 avec une hausse cumulée de 27% en zone euro contre 33% au Royaume-Uni. En prévision, la hausse cumulée des prix serait plus importante aux États-Unis que dans la zone euro.

La baisse de l’inflation ne permettra pour autant pas de stimuler le revenu disponible réel des ménages de la zone euro car elle s’accompagne également d’une baisse de la croissance du revenu nominal des ménages en 2025 et 2026 notamment en Allemagne et en France. Le rythme croissance de la consommation des ménages sur l’ensemble de la zone serait stable, 1,2% en 2026 comme en 2025 et 2024. La situation est similaire au Japon et au Royaume-Uni en termes de revenu. Néanmoins, après avoir reculé en 2024, la consommation des ménages repartirait à la hausse en 2025. Aux États-Unis, les baisses d’impôts accordées aux ménages pendant l’été dans le cadre du One Big Beautiful Bill Act ne se traduiront pas par un gain de revenu disponible. Une part significative de la loi consiste à pérenniser des allègements fiscaux votés en 2018 et qui devaient arriver à échéance en 2025, ce qui ne génèrera donc pas de revenus supplémentaires effectifs pour les ménages8. Par ailleurs, les gains liés aux autres mesures – défiscalisation des heures supplémentaires et des pourboires – seront compensés par le ralentissement de la masse salariale en lien avec la dégradation de l’emploi. Sachant que les droits de douane impacteraient relativement plus le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, il en résulterait un ralentissement de la consommation, les ménages les plus riches épargnant une part importante des gains liés aux mesures fiscales.

8 Sans ces mesures, les ménages auraient toutefois fait face à une hausse significative de leurs impôts ce qui aurait peser sur la croissance du revenu disponible.

Graphique 3. Inflation

3 Politiques économiques : frein ou soutien ?

3.1 Les banques centrales en soutien

Dans cette situation d’incertitude accrue sur la répercussion des droits de douane, les banques centrales continuent d’afficher une certaine prudence. Aux États-Unis, la Réserve fédérale devra arbitrer entre une inflation plus élevée et un ralentissement de l’activité et de l’emploi. De fait, son Président, Jerome Powell, est mis sous pression par Donald Trump depuis janvier 2025 pour que la Réserve fédérale baisse le taux directeur rapidement. Après plusieurs mois de statu quo, la dégradation de la situation sur le marché du travail a poussé la Réserve fédérale à aller dans ce sens, baissant le taux de de 0,25 point pour le porter à 4,25%. Malgré l’inflation à venir, nous supposons qu’elle poursuivrait dans cette voie et qu’elle privilégierait l’objectif de croissance même si le rythme de baisse devrait être modéré avec un taux cible pour les fonds fédéraux qui atteindrait 3,5% en fin d’année 2026. En mai 2026, le remplacement de Jerome Powell à la tête du FOMC devrait permettre à Donald Trump de renforcer son influence sur l’orientation de la politique monétaire américaine.

Sous réserve d’une réduction de l’inflation en 2026, la Banque d’Angleterre ferait aussi le choix de la baisse de son taux directeur qui atteindrait 3,5% en fin d’année. Au Japon, le maintien de l’inflation au-dessus de 2% conforterait la stratégie de la banque centrale de poursuivre la normalisation de la politique monétaire entamée à l’été 2024, ce qui se traduirait par deux nouvelles hausses en 20269.

9 La perspective d’un changement de gouvernement au Japon mettant l’accent sur une orientation plus expansionniste de la politique économique pourrait influencer l’orientation future de la politique monétaire de la BoJ. Nous n’anticipons cependant pas de remise en cause du processus de normalisation dès lors que le risque de retour en déflation est écarté.

Paradoxalement, alors que les pressions inflationnistes sont moindres en zone euro, la BCE mettrait un terme à son assouplissement monétaire après une dernière baisse des taux fin 2025. Depuis mai 2024, elle a déjà baissé ses taux directeurs à huit reprises et jugerait désormais que ces décisions passées permettront de stabiliser l’inflation autour de 2% et de maintenir la croissance du PIB.

3.2 Les politique budgétaires face au mur de la dette

L’orientation de la politique budgétaire sera plus hétérogène non seulement entre l’Europe et les États-Unis mais aussi au sein de la zone euro.

Ainsi, l’administration Trump a fait le choix de nouvelles mesures d’allègements fiscaux qui seront certes compensées par des coupes dans les dépenses sociales elles même compensées par une augmentation des autres dépenses, notamment militaires et de sécurité intérieure. En 2025, l’effet lié à la réduction des dépenses l’emporterait mais en 2026, l’impulsion serait positive10. Pour autant, l’impact sur la croissance serait faible à la fois parce que la réduction des dépenses de 2025 aura encore des effets en 2026 et aussi parce que les mesures fiscales de 2026 favoriseront relativement les classes les plus aisées dont la propension marginale à consommer est plus faible ce qui réduira leur effet multiplicateur. Il reste que ces décisions témoignent de choix politiques et l’absence de réelle prise en compte de la dynamique de la dette. Malgré une situation économique qui a été plutôt favorable depuis 2021, le déficit budgétaire de l’état fédéral s’élevait encore à 7% en 2024 et sans perspective de réduction significative, la dette publique continuerait de grimper pour atteindre 124,5% en 2026.

10 La mise à l’arrêt de l’administration américaine (shutdown) pourrait cependant remettre en cause cette hypothèse, soit parce que les Démocrates parviennent à réduire les coupes dans les dépenses sociales, soit au contraire par les Républicains emporte le bras de fer en menaçant de nouvelles coupes.

En Europe, le souci de réduire ou du moins de stabiliser la trajectoire de la dette publique en points de PIB pousserait plusieurs pays à mettre en œuvre une politique budgétaire restrictive ; notamment la France, l’Espagne et le Royaume-Uni. L’Allemagne se distinguerait par une politique budgétaire expansionniste, facilité par le faible niveau de la dette publique. En effet, rapportée au PIB, la dette allemande n’est que de 62,5 % du PIB, alors qu’elle dépasse 100 % en France, Italie, Espagne et au Royaume-Uni. Le gouvernement allemand dispose donc de marges de manœuvre pour mettre en œuvre une politique d’investissement en infrastructures, de relance des dépenses militaires et de soutien aux entreprises permettant de relancer la croissance. L’Italie parviendrait à ramener son déficit sous la barre des 3% en 2026 (graphique 4) bénéficiant encore notamment des dépenses financées par les subventions du plan NextGeneration EU, ce qui permettrait de compenser l’effort structurel. Ainsi, après une impulsion négative en 2024, celle-ci serait plus neutre pour l’ensemble de la zone euro en 2025 et 2026. et le déficit passerait de 2,7% en 2025 à 3% en 2026. En Espagne, sans majorité pour faire adopter un budget, c’est celui de l’année précédente qui s’appliquera, impliquant une légère consolidation et une réduction du déficit. En France, malgré les nombreuses incertitudes politiques, le gouvernement est contraint par la procédure de déficit excessif et devra quoi qu’il en soit s’engager sur la voie de la consolidation.

Le Royaume-Uni se trouve dans une situation assez proche de celle de la France en termes de déficit. Même si le gouvernement britannique n’est pas soumis aux règles budgétaires européenne, le budget serait de nouveau de nouveau restrictif ce qui permettrait de réduire le déficit.

Graphique 4. Solde budgétaire

4 La croissance fait de la résistance

Le désordre économique mondial n’a jusqu’ici pas provoqué de choc de même nature que celui de la crise financière de 2008, de la pandémie ou encore de la flambée des prix de l’énergie en 2022. Malgré la volatilité des échanges commerciaux, la forte incertitude de politique économique ou géopolitique, aucun signe d’affaissement brutal de la croissance. La demande intérieure semble ralentir aux États-Unis mais elle accélère légèrement dans la zone euro et au Royaume-Uni. L’activité résiste également dans les pays émergents. En fin d’année 2025, ni la politique commerciale de Donald Trump, ni sa politique budgétaire ne permettront aux États-Unis de retrouver leur grandeur économique qu’ils n’ont jamais vraiment perdu. Ainsi, même avec une croissance qui atteindrait 1,6 % en 2025, la situation resterait plus favorable qu’en zone euro en raison d’un potentiel plus favorable lié non seulement à des facteurs démographiques plus favorables mais surtout à une productivité plus élevée. Paradoxalement, c’est du côté de la politique monétaire que l’activité trouvera du soutien outre-Atlantique malgré toutes les critiques de Donald Trump à l’encontre de la Réserve fédérale. En 2026, la croissance augmenterait légèrement surtout grâce à l’investissement.

La situation économique s’améliorerait dans la zone euro en 2025 par rapport à 2024. L’Espagne continuerait à avoir une croissance soutenue à 3%. L’Allemagne se porterait mieux même s’il faudra attendre l’an prochain pour qu’elle retrouve un rôle de locomotive. En Italie, la croissance se stabiliserait à 0,5% comme en 2024 tandis qu’elle diminue en France. Dans l’ensemble de la zone euro, nous anticipons une croissance de 1,4% en 2025 marquée cependant par une faible dynamique trimestrielle dans les trois principales économies de la zone euro. Pour 2026, l’Allemagne, l’activité bénéficiera d’une politique budgétaire expansionniste qui stimulera la demande intérieure et notamment la consommation des ménages. Mais dans les autres pays, plus contraints budgétairement, l’embellie sera bien moindre tandis que le dynamisme de l’Espagne s’essoufflerait. L’impact des droits de douane sur la croissance devrait être modéré et compensé globalement par la baisse des taux passés. Cependant, le taux de chômage de la zone euro devrait rester stable. De fait, l’impact du ralentissement observé en 2023 et 2024 sur le marché du travail avait été plutôt été absorbé par une productivité plus faible. Celle-ci s’améliorerait par la suite, notamment en Allemagne ce qui limiterait la baisse du chômage. En France et en Italie, la croissance serait même insuffisante et le chômage repartirait à la hausse.

Au Royaume-Uni, la croissance serait de 1,5 % en 2025 et de 1,1 % en 2026, freinée notamment par une contribution négative du commerce extérieur. La demande intérieure commencerait à bénéficier de la baisse des taux d’intérêt un peu plus tardive que dans la zone euro mais serait freinée par l’orientation restrictive de la politique budgétaire. L’inflation, les incertitudes géopolitiques et la remontée du chômage inciteraient les ménages à rester prudents, limitant l’amélioration de la consommation.

De fait, c’est sans doute pour l’économie chinoise que le défi de la guerre commerciale est le plus important en raison de tarifs plus élevés imposés sur les importations en provenance de Chine et de la plus forte dépendance de son économie au commerce mondial. L’évolution de l’activité reste donc dépendante l’issue des négociations en cours. Pour autant, la Chine maintiendrait une croissance forte, à 4,9% en 2025 et 4,6% en 2026, l’écart entre les deux années reflétant essentiellement l’impact de la guerre commerciale sur les exportations chinoises. Mais cette situation reste fragile et l’économie vulnérable en cas d’absence d’accord et de nouvelles tensions avec les Etats-Unis.

Les autres pays particulièrement exposés à des sanctions commerciales importantes sont l’Inde et le Brésil. Cependant, l’économie indienne est relativement peu intégrée au commerce mondial et sa croissance repose surtout sur la demande intérieure, notamment la consommation, ce qui permettrait de maintenir une croissance à 6,5% en 2026, soit le même rythme qu’en 2024. Au Brésil, la surtaxe de 50 % une partie des exportations vers les Etats-Unis impacterait la croissance qui ne pourra par ailleurs pas trouver de soutien par la politique économique. Au contraire, l’inflation élevée a poussé la banque centrale à durcir la politique monétaire et les marges de manœuvre budgétaires sont très étroites dans un contexte de déficit public élevé. La croissance devrait donc se réduire passant de 3% en 2024 à 2,6% en 2025 et 2,4% en 2026.

De fait, même si plusieurs accords ont été trouvés entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux, l’incertitude demeure sur la hausse des droits de douane et un nouveau changement d’attitude de Donald Trump et une nouvelle escalade tarifaire ne peuvent pas être totalement exclues. L’autre risque réside sans doute dans l’envolée des cours boursiers dans le secteur de la haute technologie et qui pourraient être à l’origine d’une bulle. L’expérience du début des années 2000 et de nombreux travaux empiriques suggèrent que l’éclatement des bulles boursières ont des répercussions moindres sur l’économie américaine et mondiale que les bulles immobilières. Mais il faut aussi tenir compte de la capacité de la politique économique à absorber un choc supplémentaire. a politique monétaire a sans doute retrouvé des marges de manœuvre en cas de ralentissement plus brutal de l’activité mais elles sont probablement plus réduites du côté de la politique budgétaire pour de nombreux pays même s’il est toujours délicat d’identifier une limite de dette au-delà de laquelle aucune action ne serait possible.

Tableau 1. Prévisions de croissance mondiale (en %)
2024 2025 2026
Allemagne −0,5 0,3 1,7
France  1,1 0,7 0,7
Italie  0,5 0,5 0,7
Espagne  3,5 3,0 2,1
Zone euro  0,8 1,4 1,4
Royaume-Uni  1,1 1,5 1,1
États-Unis  2,8 1,6 1,7
Japon  0,1 1,3 0,7
Pays industrialisés  1,6 1,5 1,5
Chine  5,0 4,9 4,6
Autres pays d'Asie  5,1 4,8 4,7
Amérique latine  2,1 2,6 2,0
Pays émergents et en développement  4,2 4,0 3,9
Monde  3,2 3,0 2,9
Note : Pondération selon le PIB et les PPA de 2014 estimés par le FMI.
Sources : Comptes nationaux, prévision OFCE octobre 2025.
Tableau 2. Tableau des principales hypothèses
2025
2026
de 2025t1
à 2026t4
2024
2025
2026
T1 T2 T3 T4 T1 T2
Taux de change
1 €=...$ 1,05 1,13 1,17 1,20 1,20 1,20
1.20 1.05 1,1% 1,1% 1,2% 1,2% 1,2% 1,2% 1,2% 1,2%
1,08 1,14 1,20
1 $=…¥ 160 164 172 172 168 168
172 160 160,3% 163,9% 172,4% 172% 168% 168% 168% 168%
164 167 168
1 £=…€ 1,20 1,18 1,15 1,15 1,15 1,15
1.20 1.15 1,2% 1,2% 1,2% 1,1% 1,1% 1,1% 1,1% 1,1%
1,18 1,17 1,15
Taux directeur
Etats-Unis 4,50 4,50 4,42 4,17 4,00 3,83
4.50 3.50 4,5% 4,5% 4,4% 4,2% 4% 3,8% 3,7% 3,5%
5,31 4,40 3,75
Japon 0,50 0,50 0,50 0,58 0,75 0,83
1.08 0.50 0,5% 0,5% 0,5% 0,6% 0,8% 0,8% 1% 1,1%
0,11 0,52 0,92
Zone € 2,90 2,32 2,15 1,90 1,90 1,90
2.90 1.90 2,9% 2,3% 2,1% 1,9% 1,9% 1,9% 1,9% 1,9%
4,07 2,32 1,90
Royaume-Uni 4,58 4,33 4,08 4,00 3,83 3,67
4.58 3.50 4,6% 4,3% 4,1% 4% 3,8% 3,7% 3,5% 3,5%
5,10 4,25 3,62
Prix du Pétrole
en $a 75,8 68,0 69,0 67,0 65,0 65,0
75.8 65.0 75,8% 68% 69% 67% 65% 65% 65% 65%
81,2 69,9 65,0
en €a 72,0 59,9 59,0 55,8 54,2 54,2
72.0 54.2 72% 59,9% 59% 55,8% 54,2% 54,2% 54,2% 54,2%
75,1 61,7 54,2
Pour les valeurs annuelles, moyennes sur l’année. a Prix du baril de pétrole, Brent.
Source : Prévision OFCE octobre 2025.