Poids | 2024 | 2025 | 2026 | |
---|---|---|---|---|
Brésil | 37,4 | 3,0 | 2,6 | 1,4 |
Mexique | 30,9 | 1,2 | 1,0 | 1,4 |
Argentine | 12,4 | −1,3 | 4,1 | 2,0 |
Colombie | 8,8 | 1,6 | 2,6 | 2,5 |
Chili | 5,6 | 2,4 | 2,6 | 2,1 |
Pérou | 5,1 | 3,3 | 3,0 | 2,7 |
Total | 100,0 | 1,8 | 2,3 | 1,7 |
Sources : Comptes nationaux, prévision OFCE octobre 2025. |
La mise en place des surtaxes aux importations américaines sur une partie des produits en provenance du reste du monde frappe de plein fouet les pays émergents, tout particulièrement les pays avec lesquels les États-Unis accusent leurs plus forts déficits commerciaux. L’Asie est la plus visée. Les droits de douane ont été relevés à au moins 20 % dans la plupart des pays, voire 50 % en Inde pour le taux officiel et 30 % en Chine (un moratoire de 90 jours a néanmoins été décrété jusqu’à mi-novembre). En Amérique latine, à l’exception du Brésil où le taux officiel a atteint près de 50 % pour des raisons politiques et du Mexique (25 % sur les produits non compris dans l’accord de libre-échange), la hausse est moindre, 10 %. Compte tenu de l’importance du marché américain dans leurs exportations, les pays d’Asie restent là encore un peu plus exposés, même si plusieurs pays latino-américains, dont au premier chef le Mexique, sont également très engagés (pour plus d’informations sur ce point, voir le graphique 2 dans la fiche Pays émergents d’Asie (hors Chine) et d’Amérique latine d’octobre 2024). Pour autant, l’économie est restée relativement solide jusqu’alors, les exportations étant plutôt bien orientées au premier semestre. Ce durcissement des conditions tarifaires va peser sur la croissance du commerce mondial dans les prochains trimestres et confirmer le ralentissement déjà engagé. Mais le choc devrait être atténué par une redéfinition géographique du commerce mondial au détriment des Etats-Unis, et des aides budgétaires quand les marges de manœuvre existent. La croissance en Asie pourrait passer de 5 % en 2024 à 4,8 % en 2025 et 4,7 % en 2026. En Amérique latine, elle resterait sur des rythmes modérés, de l’ordre de 2 % en moyenne dans l’ensemble des six plus grands pays de la zone.
1 Une croissance en Amérique latine autour de 2%
L’évolution des trois plus grandes économies de la zone a continué de diverger. La reprise en Argentine n’a pas fait long feu, avec un léger recul du PIB dès le deuxième trimestre 2025 et une faible croissance prévue d’ici fin 2025. Les prévisions pour le Mexique se sont en revanche améliorées depuis l’annonce d’une pause en août sur les négociations commerciales. Mais l’accord de libre-échange avec le Canada et les Etats-Unis doit être renégocié mi-2026, ce qui pourrait à nouveau peser sur la croissance en 2026 dans un climat de grande incertitude. Du point de vue monétaire, la détente des taux d‘intérêt se poursuit, à l’exception du Brésil où les tensions inflationnistes demeurent. La croissance de la zone serait de l’ordre de 2% en 2025 et en 2026 (voir tableau 1).
Après deux années de récession, l’Argentine a renoué avec la croissance du PIB mi-2024, avant que le PIB ne recule à nouveau au deuxième trimestre 2025 et une progression autour de 4 % est attendue sur l’ensemble de l’année 2025 (principalement en raison de l’effet d’acquis). La croissance ralentirait à 2% en 2026. La thérapie de choc menée par le président Javier Milei depuis fin 2023 a porté ses fruits sur le plan inflationniste et budgétaire, même si les soutiens à la croissance restent fragiles, notamment la consommation des ménages et le commerce extérieur. L’ajustement drastique des finances publiques (les dépenses ont chuté en moyenne de 27 % en 2024), le soutien au peso par des taux d’intérêt élevés et une dévaluation sous contrôle ont ramené depuis cet été et pour la première fois depuis 2021, l’inflation en dessous de 40 % (après 289 % en avril 2024). Le déficit budgétaire de 2023 (5,4 % du PIB) a fait place à un léger excédent en 2024 (0,3 %), mettant fin de facto à la création monétaire utilisée jusqu’alors pour financer le déficit, et le gouvernement vise un excédent primaire de 1,6 % en 2025 après 1,8 % en 2024. Le FMI a salué les réformes et les primes de risque sur le marché de titres souverains ont baissé jusqu’au mois de juin. Les institutions financières internationales ont déboursé 40 milliards de dollars (dont un prêt de 20 milliards sur 4 ans du FMI) en avril pour soutenir le pays. Ce dernier fait face à une pénurie de réserves de change. Mais cette politique d’austérité brutale trouve ses limites. Depuis juin 2025, le président ne bénéficie plus des pleins pouvoirs qui lui avaient permis jusqu’alors de gouverner par décret et de passer outre son absence de majorité au Congrès. Le veto mis par Milei sur 2 textes (portant sur les retraites et le handicap) accusés de mettre en péril l’équilibre budgétaire en 2026 est tombé en août, à la suite du rejet par les 2/3 des représentants à la Chambre puis au Sénat. Alors que les élections législatives de mi-mandat interviendront mi-octobre 2025 (renouvellement de la moitié de la Chambre), le pays entre à nouveau dans une période de forte instabilité politique et financière, d’autant que les réserves de change sont à un niveau très faible.
Après une moyenne proche de 3,5 % par an depuis 2022, la croissance brésilienne s’essouffle. Sur un an, le PIB a progressé de 2,6 % au deuxième trimestre, et les perspectives restent modérées (2,6% en 2025 puis 1,4% en 2026). Face à une inflation très au-dessus de la cible visée par la Banque centrale (5,1 % en aout pour un objectif de 3 % +/- 1,5 point), la politique monétaire est redevenue très restrictive (le taux directeur est passé de 10,75 à 15 % en 10 mois) et les effets commencent à se faire sentir sur la consommation des ménages et l’investissement. Avec un déficit public de 8,4 % du PIB fin 2024 et une dette à 76,5 %, les marges de manœuvre budgétaire pour soutenir l’activité sont étroites : le gouvernement prévoit un excédent primaire de 0,25 % du PIB en 2026 sur la base d’hypothèses qui semblent bien optimistes. A ces difficultés domestiques, le Brésil doit affronter les nouvelles sanctions commerciales américaines. La mise en place d’une surtaxe de 50 % depuis le 6 août, qui concernerait environ un tiers des exportations brésiliennes à destination des États-Unis, devrait impacter l’activité, notamment dans le secteur des machines et biens d’équipement et dans l’industrie agroalimentaire. Pour alléger la charge sur les entreprises exportatrices, un plan Brasil Soberano de 6,3 milliards d’euros a été adopté au mois d’aout 2025. L’impact global de ces surtaxes devrait rester modéré toutefois (0,25 point de PIB selon Goldman Sachs), la structure des pays clients étant assez diversifiée, et les Etats-Unis ne représentant que 12 % du marché brésilien, derrière la Chine (30 %).
Le Mexique, premier partenaire commercial des Etats-Unis, est certes le pays le plus exposé aux mesures douanières des Etats-Unis sur leurs importations, mais il bénéficie de l’accord commercial entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada (USMCA) et l’imbrication des chaines de valeur entre les deux pays rend les Etats-Unis particulièrement dépendants d’un certain nombre de biens importés du Mexique. Ainsi, après des menaces très dures de Donald Trump en début d’année 2025 et la mise en place d’un tarif de 25% sur les produits non couverts par l’USMCA début mars 2025, des ajustements ont été négociés pour minimiser les perturbations dans le secteur automobile. Malgré ce contexte très incertain, la croissance du PIB a bien résisté, à 0,3% au premier trimestre 2025 (essentiellement en raison du recul des importations), puis surtout au deuxième trimestre 2025 (0,6%), grâce à un rebond de la demande intérieure. En revanche, le commerce extérieur a pesé sur la croissance. La pause de 90 jours décidée fin juillet laisse entrevoir de meilleures perspectives pour la fin d’année 2025 et le début de l’année 2026. Selon les données du site tradewartracker.com, le taux effectif pour le Mexique se situait autour de 4% fin septembre. En revanche, l’incertitude demeure pour le second semestre de 2026, la révision de l’USMCA devant intervenir en juillet 2026 . En prévision de ces négociations et pour satisfaire son partenaire américain, le Mexique a annoncé une hausse des droits de douane sur les voitures chinoises. Cette mesure est comprise dans le budget 2026, ainsi que la hausse d’autres taxes indirectes et de certaines dépenses sociales. L’inflation est inférieure à 4% en moyenne depuis le début de l’année 2025, c’est-à-dire dans la fourchette cible de la Banque centrale, ce qui a permis à cette dernière d’abaisser plusieurs fois son taux directeur. Ce dernier a été fixé à 7,75% en septembre 2025 (contre 11,25% au pic de 2024) et la banque centrale devrait poursuivre cet assouplissement monétaire, favorisant la demande intérieure. La croissance atteindrait 1% en 2025 et 1,4% en 2026.
2 Asie : une croissance un peu inférieure à 5% attendue en 2025 et 2026
Au premier semestre 2025, la hausse de la croissance en Asie a largement reposé sur l’accélération des exportations, en particulier de semi-conducteurs et d’équipements liés à l’intelligence artificielle. L’anticipation d’une forte augmentation des droits de douane américains a conduit les entreprises à accroître leurs exportations avant l’entrée en vigueur de ces mesures. Alors que les performances sont restées contrastées dans le reste de la région, la croissance s’est renforcée en Chine et en Inde (voir tableau 2). En Chine, le PIB a progressé sur un an de 5,2 % au second trimestre, stimulé par la hausse des exportations nettes, des investissements et des dépenses publiques. Le PIB de l’Inde a progressé sur la même période de près de 8%. Les achats anticipés de produits électroniques ont soutenu l’activité dans certains pays d’Asie (Thaïlande, Indonésie Philippines, Malaisie). Malgré une hausse temporaire des prix du pétrole provoquée par les tensions au Moyen-Orient, l’inflation est restée maitrisée dans la région. La plupart des monnaies s’apprécient face au dollar américain, fragilisé par l’incertitude politique et économique aux États-Unis. La hausse des droits de douane américains constitue le principal risque pour l’Asie, cette augmentation pouvant s’appliquer à un plus grand nombre de produits que ce qui est prévu pour le moment.
Poids | 2024 | 2025 | 2026 | |
---|---|---|---|---|
Corée du sud | 6,8 | 2,0 | 1,0 | 1,8 |
Asie en développement rapide | 20,3 | 4,4 | 4,0 | 3,4 |
Taiwan | 3,9 | 4,8 | 4,4 | 2,0 |
Hong Kong | 1,5 | 2,5 | 2,5 | 2,0 |
Singapour | 0,9 | 4,4 | 2,3 | 1,8 |
Thaïlande | 3,6 | 2,5 | 2,0 | 1,8 |
Indonésie | 6,0 | 5,0 | 5,0 | 4,9 |
Malaisie | 1,7 | 5,1 | 4,1 | 4,0 |
Philippines | 2,6 | 5,7 | 5,6 | 5,6 |
Chine | 48,5 | 5,0 | 4,9 | 4,6 |
Inde | 24,4 | 6,5 | 6,4 | 6,5 |
Asie hors Chine | 51,5 | 5,1 | 4,8 | 4,7 |
Total | 100,0 | 5,0 | 4,8 | 4,6 |
Sources : CEIC, prévision OFCE octobre 2025. |
En Inde, le PIB a enregistré une croissance de 7,4 % au deuxième trimestre sur un an, confirmant son statut d’une des économies les plus dynamiques du monde. Relativement peu intégrée au commerce mondial, l’Inde devrait être moins affectée par le relèvement des tarifs douaniers américains que ses voisins, malgré leur taux particulièrement élevé. Sa croissance repose surtout sur la demande intérieure : la consommation des ménages a progressé de 7,0 % sur un an, contre 6,0 % au trimestre précédent. L’investissement public, moteur traditionnel de la croissance, a été dynamique également. L’inflation indienne a reculé à 2,1 % en août, grâce à une bonne récolte, mais reste soumise à la volatilité des prix alimentaires. La réélection de Narendra Modi pour un troisième mandat en 2024 s’accompagne de mesures de soutien, comme la baisse des taux de la taxe sur les biens et services et d’importants investissements publics. Ceci permettrait à l’Inde de maintenir une croissance à 6,5% en 2026.
Le PIB de la Corée du Sud a augmenté de 0,7 % au second trimestre 2025 par rapport au trimestre précédent. Après un recul du PIB au premier trimestre dans un contexte de forte instabilité politique (proclamation de la loi martiale en décembre 2024 par l’ancien président), la Corée du Sud a bénéficié d’un rebond des exportations (+4,5% sur un trimestre), tirées par la demande de semi-conducteurs notamment et d’une progression de la consommation privée. Les autorités ont en effet adopté deux plans de relance successifs, pour un montant cumulé de plus de 30 000 Mds KRW (32 Mds USD), destinés à stimuler la consommation des ménages, aider les petites entreprises et revitaliser la construction. L’industrie est fragilisée par les taxes douanières de 50% des États-Unis sur l’acier et l’aluminium. L’accord trouvé fin juillet avec les États-Unis permet de limiter à 15% le taux sur les autres produits, dont les voitures et les semi-conducteurs (contre 25% en cas d’absence d’accord), mais il pèsera sur le commerce coréen, très exposé aux échanges avec les États-Unis.
En Indonésie, la croissance a affiché un rebond à 5,1 % au deuxième trimestre 2025 sur un an. Cette hausse s’explique par la forte dynamique de l’investissement. En effet, ce dernier a augmenté de 2,1 %, une hausse spectaculaire par rapport aux 0,7 % du premier trimestre. Cette progression a largement compensé le ralentissement des exportations nettes et de moindres variations de stocks. À Singapour, le PIB a progressé de 4,4 % en glissement annuel au deuxième trimestre (contre 4,1 % au premier), soutenu par les exportations. L’anticipation des mesures tarifaires américaines a temporairement stimulé les échanges régionaux. À Taïwan, la croissance est restée très dynamique : après +5,5 % au premier trimestre, le PIB a progressé de 8 % au deuxième trimestre. La forte demande en technologies liées à l’IA a dynamisé les exportations de composants électroniques. La consommation des ménages reste modeste (+0,9 %), freinée par la hausse des prix alimentaires liée aux fortes pluies.
En Thaïlande, la croissance a surpris positivement avec +2,8 % en glissement annuel au deuxième trimestre 2025. Ce résultat reflète une accélération des exportations avant l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs américains, ainsi qu’un rebond dans l’industrie manufacturière. En Malaisie, la croissance devrait rester robuste, avec un taux de 4,4 % au cours des deux premiers trimestres de 2025, portée par la résilience de la demande intérieure. L’inflation devrait rester modérée, entre 1,5 % et 2,3 % en moyenne. L’économie a été soutenue par une forte consommation privée, des investissements dynamiques, une demande extérieure robuste pour les produits électroniques, et une reprise du tourisme.
L’économie de Hong Kong a progressé de 3,1 % en glissement annuel au second trimestre 2025, en légère accélération par rapport à +3,0 % au premier trimestre 2025, principalement soutenue par des exportations robustes et une amélioration de la demande intérieure. La consommation privée a rebondi de 1,9 % (après -1,2 % au premier trimestre 2025), les dépenses publiques ont augmenté de 2,5 % (contre 0,9 %), tandis que la formation brute de capital fixe a progressé de 2,8 % (contre 1,1 %). Les exportations de biens ont bondi de 11,5 % (contre 8,4 %). Les exportations de services ont augmenté de 7,5 % (contre 6,3 %), soutenues par un tourisme dynamique et une croissance continue du commerce transfrontalier.